• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
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Rosso

Nous voici avec Maryvonne à Rosso.
Qu'est ce que Rosso ? c'est ici qu'on traverse le fleuve par le bac quand on arrive de Mauritanie (il existe un autre passage, celui que nous avons pris, par Diama)
Qui est Maryvonne ? C'est une personne passionnée et généreuse qui oeuvre activement et depuis longtemps dans l' humanitaire en Afrique noire. Nous avons été mis en relation avec elle par Etienne, lui même un ami d'Enzo (frère de Bruno, vous suivez toujours ?), tous font partie de l'association « eau soleil », et mènent différents projets à Rosso. Actuellement, Maryvonne fait face à une demande de villageois de la brousse et doit monter un dossier pour créer les bâtiments d'une école et y amener de l'eau. Du coup, nous l'accompagnons dans quelques visites préliminaires et rencontrons les autorités locales, en compagnie d'Elhadj (un gars formidable, chez qui nous logeons) et Daouda, qui sont eux mêmes les piliers des « vétérans de Rosso », qui cultivent du riz dans le but de le distribuer aux plus défavorisés de la ville, un beau projet, soutenu aussi par l'assoc. «eau-soleil». Nous embarquons dans la wolkswagen d'Elhadj , et après un parcours sur une piste poussiéreuse, nous arrivons dans le petit village de Tordianabé. Il a fallu chercher un peu, il n'y a pas de panneau évidemment, on est au milieu du grand rien.

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On se dit que si l'on devait vivre là, on deviendrait neurasthénique, alcoolique, probablement les 2. Quelques cases plantées dans le sable, sous un soleil écrasant, pour l'eau, rendez vous à 1,5 km, il y a un robinet, en bourricot et remorque, ça se fait me direz vous...Même pas la wifi, il y a de quoi venir fou ! Et là, sous la paillotte en branches qui sert de salle de classe, nous sommes accueillis par l'instit tout sourire. Il a été nommé ici l'an dernier. Il n'a pas choisi, vous vous doutez bien....il a gagné le gros lot, il est originaire de Ziguinchor, capitale de la Casamance, à l'autre bout du Sénégal. C'est comme si du pays de Gex, on te mute à Berck, t'imagines le flip ! (Alors nous, on était en voiture, n'est-c'pas, puis on roulait vers Calais, et puis tout d'un coup... Qu'est-ce qu'on voit d'écrit en travers de la route ?

- "Pas-de-Calais"

Ben j'ai dit : " Ils exagèrent, hein ! une fois... ils l'auraient dit, moi, je n'serai pas venu !" Coluche !)

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C'est l'instit "tout sourire" devant l'école

En fait ici, ils copient tout sur la France, le bon comme le mauvais, les affectations débiles, tout je vous dis. Bref, l'instit, il est encore tout sourire, sa chance, il ne risque pas de se jeter dans l'alcool, le thé et le zrig, ça ne défonce pas trop la tête. Il nous explique comment on peut entasser 37 gamins sur une dizaine de pupitres. Aujourd'hui, ils ne sont pas là les gosses, c'est férié, suite à une fête de grands marabouts (de ficelle?). Suite à une réunion informelle mais néanmoins productive, nous allons boire un coup chez le chef du village, c'est lui qui a cédé sa chambre à l'instit, car bien entendu, il n'y avait pas de logement prévu. On nous sert un grand verre de ce qu'on appelle en Mauritanie le « zrig », un mélange de lait fermenté, d'eau et de sucre. Maryvonne et Bruno font les chochottes, c'est la 3 ème toubab qui s'y colle, quitte à choper la chiasse du siècle. Nos deux courageux rigolent en buvant leur verre de thé...

runion

ch

"Ola, comment je vais faire ?"
"On t'avait prévenue, pas de zrig ! "

16 Janvier. Après 3 jours à Rosso, nous reprenons la route, ou plutôt la piste, qui nous mène à Richard Toll via le petit village de Mbalam.
Chemin faisant, nous rencontrons un immense troupeau conduit par des bergers peuls. Eleveurs et nomades ils sont présents dans tout le pays. Les Toucouleurs, leurs proches parents, sont pêcheurs, cultivateurs et commerçants. On dit que les peuls répugnent à tuer leurs animaux.

Mon troupeau se lève, s’en va, ébranle la terre,
Secoue les futaies, détourne les ruisseaux,
Défonce les marais, éclaircit les fourrés,
Devant mes vaches, les antilopes s’enfuient.
Devant mes vaches, les buffles s’enfuient.
Devant mes vaches, les babouins aboient.
Les fauves s’écartent, la misère s’éloigne.
Alexandre le Grand avait de l’or, j’ai des vaches.
Dieu a des richesses, j’ai des vaches.
La falaise a des singes, j’ai des vaches.
La montagne a des sources, j’ai des vaches.
La lande a des biches, j’ai des vaches.
La rivière a du poisson, j’ai des vaches.
Le fleuve a de l’eau, j’ai des vaches.
La mer a des vagues, j’ai des vaches.
La forêt a des oiseaux, j’ai des vaches.
La savane a des éléphants, j’ai des vaches.
(poème peul)

Puis, c'est la route goudronnée, fort jolie, elle traverse de petits villages. Les maisons en banco alternent avec les cases rondes, on ne va pas tarder à rencontrer Kirikou. Nous quittons cette route principale pour gagner Podor, une ville endormie au bord du fleuve Sénégal.

Nous avons la surprise d'y retrouver Gérard, le photographe animalier rencontré au sahara ocidental.

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Oumar Ly

Nous rendons visite à un autre photographe célèbre. Dans une petite rue, près du marché, l’enseigne KODAK signale le studio d’Oumar Ly. Deux larges battants de porte, tenus de chaque côté par une pierre, laissent entrevoir à l’intérieur un banc et une vitrine où sont épinglées des photos anciennes en noir et blanc. Nous trouvons le photographe, entrain de palabrer avec ses amis.

Nous nous mettons à plaisanter avec eux, et comme le courant passe bien, Oumar nous invite à manger avec lui. Il ferme alors la boutique et nous dirigeons à pied vers le quartier Thioffy, où se trouve sa maison. Nous passons un moment délicieux avec son ami Souleymane, deux personnages extrêmement malicieux et apprenons beaucoup sur ce monsieur, qui, grâce à une journaliste française est sorti des frontières africaines pour venir exposer à Paris. Pour voir quelques uns de ces magnifiques clichés, cliquer là

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Cliché d'Oumar Ly

Toubab or not toubab. Pas facile de quitter son costume de toubab. Pourtant, on fait des efforts, on s'est même habillés en africains pour feinter, mais ça n'a pas marché.

nous par oumar

Que tu sois sicilien, français, finlandais, tu vas devenir un toubab dès que tu auras mis un pied en Afrique noire. Le toubab, c'est le « blanc ». Il n'y as pas de distingo, le toubab est multi millionnaire. Chez les toubabs, l'argent est facile, on dit qu'il tombe des arbres. Alors, il arrive qu'on te demande de donner, et par rapport au Maroc où on te demande un stylo, un bonbon, ici, on est passé à la vitesse supérieure, tu peux donner de l'argent, procurer des visas etc....En vélo, nous sommes relativement épargnés, car pour voyager en vélo, faut quand même être un peu cons, et les toubab cons, on a un peu pitié. Alors, plutôt que nous demander de l'argent, on se fout un peu de notre gueule, « oh, des toubabs sur des vélos...ouaf ouaf. Eh, fais moi faire un tour....».

Nous devons souvent nous méfier de nos propres mécanismes de défense. En effet,au début, quand on se fasse apostropher par un" eh toubab, viens ici." on se dit 

"oh, qu'est ce qu' il veut celui ci ? de l'argent ? il veut me prendre mon vélo ?" et on se trompe, parce que le gars, c'est sa manière d'être, il veut juste entrer en contact, te payer un verre, t'inviter chez lui etc. 99 fois sur 100, quand on t'appelle toubab, c'est juste par sympathie et sans arrière pensée.
Les enfants sont parfois plus emmerdants, gentils mais envahissants. Dès qu'on s'arrête, ils déboulent, en meute, et restent scotchés là, à te regarder, voire te tripoter, les garçons sont fascinés par les vélos, les filles par les cheveux blonds et lisses. Et quand on repart, ils se mettent à courir après les vélos. Leur point fort : ils courent vite, leur point faible : ils ne courent pas trop longtemps sous le soleil. Autre point faible, ils sont froussards, agiter le bâton permet de faire détaler les plus téméraires. Plusieurs fois, on a vu des adultes venir à notre rescousse en faisant siffler les lanières du fouet Alors là, faut les voir se carapater !

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Le toubab répare une crevaison

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La pause café omelette vers 11 heures...on a nos habitudes !

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L'hospitalité sénégalaise, la "TERANGA" est une véritable tradition d'accueil et de plaisir de recevoir. La première fois où nous sommes invités à dormir, c'est sur l'ile à Morfill, dans un petit village au bord du fleuve. Un jeune homme entrain de se baigner nous invite à le rejoindre, puis à rendre visite à sa famille.

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Cela se termine par une invitation à dormir. Ne voulant pas déranger, nous montons la tente dans la cour, au milieu des animaux. Hamadou nous laisse nous reposer et promet de revenir nous apporter à manger. Un peu plus tard, on vient « frapper » à la tente, et le temps d 'ouvrir, on a à peine le temps d'apercevoir une silhouette glisser furtivement dans la nuit noire après avoir déposé un plateau plein de nourriture. Nous avalons donc ce bon repas, du thieboudiap, riz avec viande et petits légumes, s'étonnant pourtant qu'Hammadou ne se soit pas arrêté. Bien repus, nous commençons à nous assoupir quand on refrappe . Cette fois, c'est Hammadou, avec un gros paquetage : un énorme thiéboudiène, riz poisson petits légumes, pain, bananes . Obligation de remanger....et de faire une petite promenade au clair de lune pour digérer, c'est juste magique, le ciel est d'une pureté incroyable.

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Le lendemain, nous demandons à planter la tente dans un centre de santé. Le gardien nous dit qu'il n'est pas question que l'on campe alors qu'il a une grande maison. Nous le suivons et passons une soirée formidable. Le lendemain, cela se passe chez l'instit. d'un village. La maison est très grande et très belle, et là aussi, une soirée sympa nous attend avec toute une équipe venue partager le repas du soir : des pâtes grasses avec des petits bouts de viande, que l'on mange avec les mains, tous dans le même plat. Alors si vous nous demandez ce que l'on fait là, dans la chaleur, dans la poussière, au milieu des ordures, des mouches, nous vous répondrons qu' il y a aussi beaucoup de beauté dans cette pauvre Afrique, des gens nobles et généreux, les Sénégalais sont particulièrement chaleureux et accueillants. Nous continuons sur cette route de l'est en longeant le fleuve Sénégal qui marque la frontière avec la Mauritanie. D'ailleurs, nous voyons régulièrement de petites pirogues de commerçants traverser pour vendre leurs produits, moins chers en Mauritanie. Nous faisons un petit détour pour aller voir quelques vestiges coloniaux à Matam et passons une journée à Bakel, autre ville endormie au bord du fleuve; les villes, ce n'est pas notre truc, mais cela nous a permis de faire des rencontres sympa avec les quelques rares occidentaux trainant leurs guêtres par ici. Ce sont forcément des personnalités atypiques ! Ainsi 2 belles soirées avec Wim et Aicha, Wim est un photographe mondialement connu et un vrai baroudeur. Cette route donc, bien que bitumée, est dans un état catastrophique, jonchée de trous qu'on ne peut plus qualifier de nids de poules. (nids d'autruches ? De dinosaures ?), mais elle nous mène tranquillement à Kidira. Arrivés à Kidira, nous nous installons dans le seul hôtel, sinistre, et réfléchissons à la suite de notre parcours. Notre visa sénégalais arrive à expiration, alors, soit on entre au Mali, soit on fait refaire un via sénégalais et on continue au sud. Au poste de police, un jeune policier se bat avec l’outil informatique, mais avec notre contribution finit par nous pondre un nouveau visa. Quand vous lirez ces lignes (article disponible à partir du 10 Février), vous apprendrez que nous sommes finalement entrés….au Mali !!! Pas la peine de paniquer, tout va très bien, cela fait maintenant presque 2 semaines que nous avons passé la frontière, et on va vous proposer un parcours bien plus intéressant qu’un Paris Dakar….et avec un bilan carbone imbattable ! 

Bien entendu, par les temps qui courent, on n’entre pas au Mali sans se poser quelques questions préalables. Les sites officiels permettent de se faire une idée de l’actualité, mais si on s’en tient à eux, on reste chez soi. Nous avons des contacts de personnes vivant au Mali et des infos de voyageurs y ayant séjourné récemment. Nous avons aussi des nouvelles de Katarina qui y circule depuis quelques jours, il ne nous parait pas déraisonnable d’emprunter la route qui va de Kidira à Bamako, d’autant plus qu’il y a possibilité d’emprunter une petite piste sur des centaines de km, le « méchant » ne doit pas s’aventurer par là.

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Comme nous, les ânes cherchent l'ombre 

Et pour terminer cet article, un petit mot des petits talibés. Ce sont des gamins déposés par leurs parents chez un marabout afin que celui-ci leur apprenne le Coran. D’autres sont simplement recueillis alors qu’ils traînaient seuls dans la rue. Ces enfants, mendient afin de trouver de quoi subvenir à leurs besoin et à ceux de leur communauté. Certains adultes prétendent qu’on apprend de cette façon la dureté de la vie mais tous les sénégalais à qui nous en avons parlé disent qu ils ne feront jamais vivre cela à leurs enfants D’autant plus que certains marabouts ne sont pas des plus honnêtes et les histoires de maltraitance des enfants sont monnaie courante. C'est un mal profond au Sénégal où les petits talibés sont nombreux et mettent souvent mal à l'aise, leurs yeux tristes d'enfants abandonnés vous fendent le coeur, mais donner une pièce serait donner encouragement à ce système d'exploitation enfantines des plus honteux. Nous avons décidé de ne pas leur donner d'argent, mais parfois leur donnons à manger et vérifions qu'il mangent de suite, sans quoi, ils sont capables de crever la dalle pour rapporter plus au marabout.

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Bye Bye Sénégal

Carte du parcours