• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
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Quelques tours de pédale entre Bombay et Goa, par de petites routes qui serpentent au dessus des flots.

20 Décembre 2007. Arrivés en pleine nuit à Mumbai (Bombay), le chauffeur de taxi se charge de suite de nous faire comprendre qu’il a plusieurs vies, lui…, et en un rien de temps, il nous jette dans un hôtel miteux. En un rien de temps, c’est environ 1h30 de bagnole roulant tambour battant dans cette ville tentaculaire. Six millions de personnes n’ont pas de vrai toit à Mumbai ; plus de la moitié de la population de la ville vivrait sur les trottoirs ou dans un bidonville.Très vite, on se prend Bombay en pleine face. La pauvreté, les mendiants, les enfants des rues, les odeurs d’égouts, la surpopulation .... Tout ce que nous avons pu lire et entendre dire est là, sous nos yeux. Une autre planète !

MUMBAI, « MAXIMUM CITY »

C’est le titre d’un best-seller écrit par le journaliste indien Suketu Mehta qui présente une ville impossible, fascinante, des personnages étonnants, des situations qui disent les drames et les dynamiques de cette ville que certains n’hésitent pas à qualifier de décadente, de crazy city.

Mumbai a un passé de pêcheurs installés sur une presqu’île, un passé qui n’a pas complètement disparu car des quartiers de pêcheurs sont encore présents au milieu des grands immeubles.

Mumbai comptait 1,4 million d’habitants en 1941, elle en compte aujourd’hui 16,4 millions, 1ère mégapole devant Delhi et Calcutta. Sa croissance s’explique d’abord par un apport de population venue des campagnes du Maharashtra mais aussi de toutes les régions, ce qui en fait aujourd’hui un New York indien, une ville cosmopolite où vivent toutes les communautés, toutes les religions, avec une certaine tolérance (qui n’évite pourtant pas des émeutes violentes comme celles de 1993 entre hindous et musulmans).

Dans le quartier de Mahalaxmi, avec les "dhobis", les laveurs de linge, Bombay nous montre une partie de son visage populaire.

Composé de plusieurs centaines de cuves de béton en plein air, ce quartier est le théâtre d'un travail éreintant, entièrement fait à la main : tous les jours, les laveurs lavent avec frénésie des montagnes de linge sale qu’ils frottent, tapent sur une pierre, font sécher puis repassent au fer à charbon.

La caste des dhobi (laveurs) est considérée comme inférieure puisque ces laveurs sont en contact avec la saleté humaine. Sous nos yeux, nous avons sans doute le plus grand lavoir du monde. Cette activité, avec son service de livraisons, donne du travail à environ 10 000 personnes. Les laveurs gagnent environ 6 euros par jour. Le niveau de vie augmentant, cette activité risque de régresser avec la venue des machines à laver. Mais comme bien des quartiers n'ont toujours pas d'eau courante, ce n’est pas dans l'immédiat.

Mais l’Inde, ce n’est pas seulement la misère. Avec ses sites, ses palais, ses temples, l’Inde est très touristique, et comme tous les pays touristiques, tout est fait pour le touriste (que nous sommes aussi) : agences de voyage, tours organisés, bus confortables et rapides, hôtels spécial voyageur ... Bref on vous trimballe là où il faut aller, là où il y a le truc à voir. Et là, l’Inde risque de perdre une part de sa magie. A notre sens, en Inde il vaut mieux se perdre. (D’ailleurs, ce n’est pas vrai seulement pour l’Inde). « Ne demande pas ton chemin à quelqu'un qui le connait, car tu risquerais de ne pas te perdre », tiens, qui a dit cela ? Pendant 15 jours nous allons pédaler vers le Sud, en n' ayant aucun itinéraire, aucun lieu, aucun monument, aucun temple prédéfinis à voir. Libres, avec une carte approximative, nous emprunterons petites routes et chemins de campagnes, longeant plus ou moins la mer d’Oman, sans tente, nous nous accommoderons des logis trouvés pour passer nos nuits.

Pour réaliser ce périple, nous filons acheter 2 vélos, avec des vitesses, le grand luxe apparemment ici. Pour 120 euros, nous sommes propriétaires de 2 beaux VTT made in Corée, qui, dès les premiers tours de pédale nous mettent en face de notre grossière erreur de choix. Pour échapper à la circulation de la sortie de ville, nous allons prendre un bateau en face du Gateway of India, qui en 1 heure de navigation nous permet d’arriver dans un village côtier qui s'appelle Mandwa. Là débute le périple en vélo. Nous savons qu'il va falloir quelques jours d'adaptation parce que ce changement de situation en l’espace de 48h c’est un peu brutal ! L’après midi, on se fait une petite étape tranquille de 20 km sur une petite route, que dire ...du bonheur !! On a halluciné, 2 jours auparavant nous étions à Genève, dans le brouillard, on se caillait grave, et là d’un coup de baguette magique nous voici sur un vélo, entrain de sillonner une petite route d'Inde du sud, bras nus et sous un ciel azur. Le vélo fait sensation, sans doute sa belle couleur, bleu pétant, mais surtout la poignée des vitesses. Hahh les vitesses !! Parlons en des vitesses, hypermerdiques, ça crabote de partout. Dès la première montée, j’ai failli mettre le pied à terre. Arrivée en haut de la côte, c’est le pédalier qui voulait se barrer. Heureusement, il y avait un réparateur pas loin, il m’a arrangé le coup moyennant 1/10 euros. 30 km plus loin, le pneu avant se déchire, d’un coup, sur 20 cm de long. Le réparateur suivant le change pour 2 euros, y compris la nouvelle révision du pédalier, qui tiendra encore quelques dizaines de km et sera finalement réparé à l’aide d’une bobine de fil…oui oui, du bon fil de coton entortillé qui a permis de colmater le jeu et du coup fixer ledit pédalier. Nous avons eu aussi de gros problèmes avec la chaîne du vélo de Bruno, qui vers la fin du trip a du abandonner le changement de vitesses et rouler en pignon fixe….On vous passe les autres arrêts chez le réparateur pour ci et pour ça (nous n’avions pas de matériel de réparation…on s’était dit qu’avec des vélos neufs….), les nombreux coups de marteau…..bref…on a été super contents de les avoir pour circuler et super contents de s’en débarrasser une fois arrivés à bon port.

Nous avons roulé en moyenne 60 km par jour, en commençant assez tôt le matin pour éviter la chaleur de l’après midi. Le seul petit hic, mais qui donne un peu de piquant à l’histoire , c’est que les pancartes d'indications des villes sont écrites seulement en dialecte c’est à dire ici pour cette région du Maharashtra , en marathi .... Et Le truc c’est que cela ressemble beaucoup à l’écriture Arabe, souvent pour trouver la direction c’est pas de la tarte.

Le plus souvent, nous avons roulé dans une campagne très tranquille, paysans aux champ et femmes tirant l’eau du puits ou charriant du bois. Les campagnes sont couvertes de vert, avec ses champs de cocotiers et de manguiers. L’air, lourd et humide, nous fait transpirer des litres. La journée, la lumière est vive, la nuit tombe tôt. Elle est baignée de paresse. Seuls les moustiques bourdonnent inlassablement en quête de nourriture. Nous nous sommes baignés chaque soir dans une mer chaude. Nous avons roulé sur du plat, zigzagant pour éviter les énormes nids de poules, escaladé des collines sous un soleil de plomb. Nous avons aussi traversé des bras de rivière en pirogue, attendu 2 heures un plat de crevettes qui n’est jamais venu, dormi dans une ferme, chez des gens dans une jolie villa, dans un restau, etc…..l’accueil a toujours été génial. Nous avons ainsi à circulé au milieu d’Indiens souriants et rieurs et des « hello my friend ».

Quand après une semaine de cette vie nous avons commencé à voir des têtes d occidentaux, nous avons compris que nous arrivions à Goa. Ce nom est quand même mythique, grâce à nos anciens babas cool ! Baba, en indien, cela veut dire Monsieur. En fait, Goa, ce n'est pas une ville mais une province de l'Inde dont la ville Principale est Panaji. Cette province, est mondialement connue pour ses plages. Choisir une plage à Goa, c'est avant tout se positionner sur ce que l'on veut. En gros, le Nord, c'est plein de touristes blancs qui sont là pour aller à la plage, boire des canons et aller danser et le Sud est réputé plus calme et plus en harmonie avec la vie locale. Malheureusement, nous n’aurons pas le temps d’aller goûter aux plages du Sud. Selon le guide Lonely Planet les plages de Goa sont « paradisiaques ». Mouais…. enfin faut pas trop s’exciter quand même hein, belles ok, mais paradisiaques ....La première rencontrée est celle d’Arambol. Trois jours de tranquillité, à déguster fruits de mer et autres délices dans des paillotes face à la mer, à bouquiner allongés à l’ombre, à se baigner, à écouter la nuit venue des petits concerts de guitares, ou de djembes sur le sable éclairé par quelques bougies, avec en fond sonore le bruit des vagues qui s’échouent sur la plage. Un peu le paradis, mais nous avons fini par avoir peur de nous enraciner ici, nous sommes allés à Calengute….et là, ce fut l’horreur : 4 rangées de chaises longues sur la plage, beaucoup de bars de plage qui crachent avec leur grosse sono des tonnes de décibel de techno, genre fête foraine ....

Des tas de rabatteurs qui viennent te voir et essayer lourdement de te convaincre d’aller boire un verre dans leur paillote. Le week-end, les classes moyennes et les riches indiens de Bombay et des environs affluent. Quelques indiennes se baignent, en sari, tandis que les hommes se jettent à l eau, la plupart en jean, plus rarement en maillot de bain. Personne ne s’étend sur la plage pour prendre un bain de soleil. Nous sommes aux antipodes des canons de beauté occidentaux mis en avant par nos télévisions et nos magazines. Un indien ne doit pas avoir le teint sombre. Pas de soleil, ni d’autobronzant mais plutôt des soins éclaircissants dont la publicité est toujours étalée dans les programmes télévisuels indiens. Les Indiens représentent la moitié des touristes de Calengute, les autres sont des européens aux gros bides plein de bière rougis par le soleil…..

Nous avons détesté Calengute, du coup, nous sommes remontés à Arambol pour passer le meilleur réveillon de notre vie : petit restau avec concert inoubliable d’un groupe avec violon, didjeridoo et djembe. Puis nous avons circulé une petite partie de la nuit sur la plage, il y avait de la musique partout, des jongleurs….c’était fantastique.

Quelques jours plus tard, c’en était fini de faire les kekos au soleil, il nous fallait rentrer à Bombay pour prendre un dernier bain de foule et reprendre l’avion pour Genève, le froid, la grisaille et… le boulot.