• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
  • 20171218 134510   Copie 2

Le 30 mars dernier, après de multiples péripéties, le tribunal spécial, chargé par la communauté internationale de juger les crimes contre l'humanité commis par les Khmers rouges, commençait ses activités visant à juger les actes des principaux responsables de ce génocide.

Et le premier à être jugé par ce tribunal est Douch, Kang Kek Leu de son vrai nom. 

"Douch", 65 ans, avait été emprisonné en 1999 par les autorités cambodgiennes, puis transféré le 31 juillet dernier au tribunal, qui l'avait mis en examen pour "crimes contre l'humanité".

D'ABORD, UN RAPPEL...

DIFFICILE D'OUBLIER POUR LES VICTIMES ...

APRÈS PLUSIEURS ANNÉES DE PRÉPARATION, LE PROCÈS S'OUVRE ENFIN...

Ancien directeur du centre de détention S-21 de Phnom Penh où plus de 15 000 personnes ont péri, Douch est le premier des responsables khmers rouges à passer en jugement devant le tribunal cambodgien à participation internationale mis sur pied en 2004. Cet ancien professeur de mathématiques, qui s’était lancé dans la révolution communiste par idéal avant de devenir un implacable tortionnaire, est notamment accusé de crimes contre l’humanité.

1,7, c’est, en million, le nombre des victimes, entre 1975 et 1979, du régime khmer rouge de Pol Pot, soit près de 20 % de la population, selon le chercheur australien Ben Kieman, directeur du Programme sur le génocide cambodgien.

189 centres de détention et plus de 20 000 charniers ont été répertoriés. (Libération, 13/10/2009)

LES CAMBODGIENS ACCOURRENT AU PROCÈS

(...) Depuis que deux anciens journalistes, Reach Sambath et Dim Sovannarom, ont pris les rênes de la communication du tribunal Khmers rouges, début juin, les 500 sièges du public affichent chaque jour complet. La mise à disposition de bus gratuits par le tribunal a été un coup d’accélérateur. Kham Lon a saisi l’occasion dès juillet. C’est lui qui a organisé le voyage de ces 450 villageois de la province de Siem Reap à Phnom Penh. Ce retraité de 67 ans s’est investi d’une mission : rendre hommage aux victimes et aider les survivants. «Nous avons été blessés par ce régime. Nous voulons voir comment le tribunal traite l’accusé et nous voulons le raconter pour que les autres sachent. En 2007, j’ai visité S-21, devenu le musée du génocide de Tuol Sleng, et les charniers de Chœung Ek. Depuis, je veux en savoir plus», explique Kham Lon (...)

Dévisager le criminel, tenter de comprendre comment cet intellectuel, enseignant en mathématiques, est devenu bourreau… Voilà ce qui a conduit plus de 23 700 Cambodgiens, venus de toutes les régions, à assister aux audiences de Douch. Un record pour un procès international. Nombre d’entre eux vivent avec moins de 2 dollars (1,35 euro) par jour et sacrifient une journée de travail pour être présents. Certains font jusqu’à six heures de trajet pour rejoindre le tribunal, planté tel un théâtre à 15 kilomètres de Phnom Penh. Bien souvent ils n’ont jamais visité la capitale, et viennent uniquement pour Douch (...)

Même sans tout comprendre du fonctionnement et des échanges dans le prétoire, le public mesure intuitivement ce qui se joue et déchiffre avec acuité l’attitude et les paroles de Douch. Pour Kham Lon, Douch n’était pas qu’un simple exécutant. «Bien sûr, il a obéi aux ordres de ses supérieurs, mais c’est lui qui décrétait "à détruire". S’il ne voulait pas exécuter les prisonniers, il pouvait le dire aux dirigeants. Nous, dans les rizières de la province de Siem Reap, nous avions pour objectif de récolter 3 tonnes de riz par hectare. Si les chefs khmers rouges se trompaient sur le calcul de la récolte, nous tentions de les contredire. Pourquoi Douch, même s’il avait des ordres, acceptait-il de tuer sans raison ?»«On peut commettre des erreurs, mais Douch a appliqué les ordres avec zèle, ajoute cette agricultrice de Kompong Cham. Trop de gens ont été tués, c’est pour cela qu’il faut le juger.» (...) L’énergique Sou Savuth acquiesce.

Les chiffres de fréquentation du procès masquent néanmoins une faille, celle d’une justice qui peine à répondre à l’attente profonde du public : comprendre. Les plaidoiries du procès Douch auront lieu fin novembre. Désormais, les victimes doivent se réfugier dans l’attente du jugement, peut-être au printemps 2010. Tha, comme bien d’autres visiteurs, glisse qu’une peine à perpétuité lui semblerait juste. Ses amies réagissent en chœur : «Laissons la justice décider de la peine. De toute façon, rien ne compensera jamais nos souffrances.» Kham Lon, lui, a déjà réservé un bus.

ANNE-LAURE PORÉE, Correspondance à Phnom Penh (Libération, 13/10/2009)

MAIS ... LE 20 OCTOBRE, ON APPRENAIT ...

deux du régime de Pol Pot, Nuon Chea, et la ministre des Affaires sociales Ieng Thirith).

Le navire tangue à nouveau. L'histoire du tribunal chargé de juger les khmers rouges n'a jamais été un long fleuve tranquille depuis les premières discussions pour sa création au milieu des années 90. Démissions, auditions, arrestations, représentations des parties civiles, le TKR (ou Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, CETC) est exposé depuis quelques mois à de vives polémiques et critiques. 

Une nouvelle crise est apparue le 7 octobre quand le juge Français Marcel Lemonde a souhaité entendre comme témoins quatre hauts dignitaires du régime de Hun Sen, soulevant les critiques du Premier ministre et s'attirant les diatribes du porte-parole du gouvernement Khieu Kanharith. "Et s'ils ne sont pas contents, les magistrats étrangers n'ont qu'à rentrer chez eux", a lâché ce proche de Hun Sen.

C'est le bon moment qu'a choisi l'hebdomadaire Cambodge soir pour consacrer quatre pages -dont sa une- au tribunal "en quête de crédibilité" écrit la rédaction du journal basé à Phnom Penh. A juste titre, Cambodge soir note que les CETC jouent leur avenir dans ces tensions tous azimuts.

Ce qui se joue en ce moment n'est rien moins que l'indépendance et la pérennité de cette cour unique au monde (elle fait cohabiter des magistrats cambodgiens et internationaux) qui juge Douch, le directeur de S-21, et instruit toujours le dossier numéro 2 (qui concerne l'ex-chef de l'Etat du "Kampuchéa démocratique", Khieu Samphan; Ieng Sary, le ministre des Affaires étrangères; le numéro

L'hedbo revient sur les accusations et les pressions contre le juge Lemonde, sur "l'alerte des parties civiles", sur "l'inviolabilité" de l'ex-roi, Norodom Sihanouk et les réactions des ex-Khmers rouges, dont celle d'Im Chem qui pourrait être inculpée par les CETC dans l'affaire numéro 3. Et pointe les échéances à hauts risques qui attendent le tribunal des khmers rouges. Autrement dit l'indépendance ou la mort.

Arnaud Vaulerin (LIBÉRATION, 20/10/2009)

UNE ANALYSE POUR TERMINER...