• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
  • 20171218 134510   Copie 2

Bonjour le thé à la menthe.

Un pied en Afrique, j'entends déjà l'appel fraternel du baobab, porté par le vent, et des noms enchanteurs comme Nouadhibou, Saint Louis, Casamance ou Niokolo-koba. Mais ne mettons pas la charrue avant les ânes, il faut d'abord descendre le Maroc, le nord, le centre, le sud et son désert tant fantasmé. Et au Maroc, nous avons bien l'intention de prendre notre temps, l'envie de faire durer un peu, boire des hectolitres de thé à la menthe, assis sur une terrasse ensoleillée.

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Après une traversée inutilement redoutée car finalement des plus tranquilles, la région de Nador devrait être le camp de base pour quelques jours, le temps de prendre le pouls du pays. Surprise : le camp de base n'est pas que pour nous, il est aussi pour des centaines (milliers ?) de pauvres gens d'Afrique noire qui ont fui leur pays et espèrent trouver mieux ici. Pour l'instant, ils survivent, cachés dans la forêt, dans des camps de fortune. Bonne nouvelle pour eux; le roi, vient de promettre de régulariser la situation de tous ceux qui veulent travailler.

Missié et la gazelle partent à la plage.

Nous mettons le cap vers une plage du Nord du Rif, La route surplombe la mer méditerranée, fait des tours et des contours, dévoilant ça et là de ravissantes petites criques. Hop, en voici enfin une qui est accessible, nous dévalons la pente. De près, ce n'est pas la même histoire, la plage est dégueu, jonchée de sacs poubelles et de divers immondices. Un couple est entrain de pique niquer, missié est en djellabah, la gazelle a tout planqué aussi, ce sont des marocains vivant en Belgique. Ils sont très sympa mais vue leur tenue sur la plage, nous n'osons pas nous dévêtir...Bilan des courses, nous sommes quittes pour reprendre de la hauteur, et pan, 150 m de dénivelé dans les dents pour rien. Faute de bain dans la grande bleue, la sueur finira par être éliminée sous la douche, mais auparavant, il aura fallu libérer la salle de bain d'une araignée grosse comme la main, l'attaquer à coups de godasses, ça a giclé de partout, et pan, une peinture à refaire. Il y a des jours comme ça !

2 belles prises

thon

chien

Ah, l'hospitalité marocaine !

La carte routière prévient : pour traverser la chaine du Rif, pas moyen d'y échapper, il y a un col important à grimper, 20 km de côte. On en fait 5, crache un poumon. Saïd vend son raisin au bord de la route, c'est le prétexte pour faire une pause, c'est bon les pauses. Et puis, en plus de raisin et amandes, il a un plan pour la nuit, son pote Botaar, dans le patelin en haut du col sera ravi de nous accueillir et nous laissera la maison de son père pour nous tout seuls. Comme on arrive de bonne heure, on a le temps d'aller au hammam et boire des coups avec ses potes dans le village. Quand des « gaouri » ( la traduction pourrait être« étrangers », genre « blancs avec quelques coups de soleil ») se pointent dans un bled, il y a vite pas mal de monde autour.

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Départ de chez Botaar 

Après une nuit réparatrice et des au revoir qui n'en finissent plus, nous avalons une courte grimpette et c'est maintenant un parcours descendant, dixit la Michelin. Sur le coup de midi, un village avec les tajines qui fument, une terrasse sympa, on assure le coup, mieux vaut tenir que courir.. Un grand hirsute nous accueille, vêtu d'une longue blouse blanche sur laquelle on peut lire « doktor à la clinique d'Heidelberg »

Lui, sérieux :« bijour madame i bijour missié, soyez li bienvenu »

Bruno, goguenard :« bonjour mon ami, alors comme ça, tu es le docteur du village ? »

Lui, toujours sérieux ; « non missié, moi ji guéris que le mal de ventre, ji suis le docteur de la tajine »

Nous éclatons de rire, Amine nous a convaincus, c'est parti pour 2 tajines de chèvre, que l'on mange avec les doigts car notre instruit attend la fin du repas pour apporter 2 fourchettes ! Bref, Amine aurait encore besoin de quelques stages de perfectionnement de l'autre côté de la mer, mais on a bien déliré pendant ce repas, passé un bon moment et reprenons la route pour Taza. Malheureusement, cette route est en travaux sur une cinquantaine de km, nous pédalons dans la poussière et la tôle ondulée tels des galériens. Du coup, arrivons à la tombée de la nuit. Hôtel où es tu ? La ville est assez importante et toute en pente, on repère le coin des hébergements, euréka, les voici à portée de main, on va l'avoir cette douche et cette bonne nuit dans un bon lit. On se prend une bâche dans le 1er hôtel, idem dans le 2ème et le 3ème, tout est complet à cause d'une manifestation. Nous sommes là, pantois au bord du trottoir, cherchant une solution, envisageons de mettre la tente dans le jardin public. Un vélo à la main, un gars de 45 ans environ nous aborde discrètement. Presque envie de l'envoyer bouler, genre « tu vois pas qu'on n'a pas envie de parler vélo, là, qu'est est dans la mouise, là ». Mais Mohamed a vraiment une bonne tête, il comprend vite notre souci, et nous propose de le suivre, chez lui. On s'enquiert de savoir où il habite. « C'est pas loin, c'est à Taza haut » qu'il nous dit. On a beau avoir le cerveau ramolli par la fatigue, on comprend bien ce que signifie « haut », et c'est parti pour une demi heure de côte. Cette fois, il fait nuit noire, on commence à le haïr, comme s'il ne pouvait pas habiter à « Taza bas », celui là !. Chemin faisant, Mohamed nous brosse le portrait de la famille, une femme très gentille, Amina, 3 enfants, faut pas qu'on se fasse de souci, ils vont être ravis. C'est le cas, ils ne cachent ni leur surprise ni leur joie de nous voir débouler. Ils se mettent à pousser des cris et taper dans leurs mains en nous acclamant et en introduisant nos vélos dans la salle à manger. La maison n'est pas bien grande, mais rien ne manque. Après une bonne douche au seau, nous voici tous installés autour d'une immense tarte de maïs. On en prend des morceaux et on trempouille dans des coupelles d'huile d'olive, d'huile d'argan, dans du miel etc...Tout le monde parle français, c'est donc un échange très plaisant. Pas moyen d'échapper au sujet religion, nous sommes dans une famille très croyante. Comme Mohamed est un intarissable bavard, c'est surtout lui qui tient le crachoir. Le carême, le ramadan, Les Saints, les Apôtres, les Prophètes, Imam, la vie de de Moïse, de Jésus, de la vierge Marie, bref, tout les sujets sont abordés, comme s'il avait deviné qu' une petite révision s'imposait. Minuit passé, on se dit « c'est bon là, on a notre dose, on va p'têtre bien se coucher », et bien c'est raté, parce qu'arrive le repas , le deuxième !!! Tajine de poulet avec des pâtes. C'est délicieux, mais on n'a pas bien l'habitude de souper 2 fois et on a une seule envie, c'est de regagner nos couches ! Nous finirons par les gagner, la panse trop pleine assurément. 7 heures du mat, Mohamed se lève pour aller travailler, nous aussi, hélas !

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Amina,Brahim, Annick, Bruno, Mohamed, Selma, Zacaria prend la photo

C'est bien gentil de dormir chez les autres, mais ce soir, on aimerait bien un « chez nous », alors on va poser la tente. Le coin n'est pas bien beau, ne se prête pas trop au camping sauvage, c'est très sec et poussiéreux, mais il y a une ferme pas loin de la route, on va demander si on peut se poser dans le coin. Ali ne veut pas entendre parler de tente, il a ce qu'il nous faut, une pièce dans la maison, non, pitié, on veut juste poser la tente et un peu d'eau du puits, si possible. Il est mort de rire en nous voyant gonfler les matelas, insiste pour qu'à défaut d'y dormir, on range nos vélos chez lui, et bien évidemment exige que l'on boive le thé et mange ensemble. Impossible de refuser, nous réussissons à grand peine à leur donner nos victuailles et du coup, on fait coup double : pas besoin de mettre en route le réchaud et le repas est très complet : viande de la ferme, pain de Saîda, le reste sorti de nos sacoches, pâtes, tomates, yaourts, fruits et chocolat. Eh oui, on ne se déplace jamais sans rien, cela permet de contribuer à minima si on est invités, car nos hôtes ne veulent jamais que l'on donne de l'argent. C'est déjà comme cela que cela se passait au Burkina, quand on dormait chez quelqu'un, on ne payait rien mais on apportait à manger pour la famille. Du coup, ce soir, c'est encore toilette chouia et à manger beaucoup. Le gag, c'est que dans cette famille, ils parlent aussi bien le français que nous l'arabe, c'est à dire que dalle. Alors chacun a parlé dans sa langue, et en ajoutant les mains et des petits dessins, ma foi, on a réussi à se comprendre ! C'est clair que nous n'avons pas eu de débat philosophique ni abordé la mécanique quantique, mais nous avons bien échangé sur nos modes de vie respectifs. Nous avons aussi visité l'exploitation, 7 vaches, 10 moutons, 2 ânes, une poignée de poules. Ali et Saïda nous disent que maintenant leurs enfants sont grands, ils n'ont plus de soucis, pas de problème d'argent, ils ont de quoi bien manger, se vêtir, mettre de l'essence dans la mobylette, ça leur va !

Bref, on ne va pas vous rencontrer toutes les rencontres que l'on fait, mais vraiment, les marocains sont d'une hospitalité extraordinaire. Il semble qu'ici, le contact humain soit plus important que tout le reste, ces invitations de gens simples, heureux d’échanger un sourire, ne cherchez pas à les comprendre, c’est trop loin de nos habitudes occidentales. De ce côté, on a beaucoup de choses à apprendre, nous européens. Nous précisons que nous sommes pour l'instant dans une région où la population n'a pas été polluée par les touristes, distributeurs de stylos ou de casquettes Paul Ricard, ceci explique peut être cela. Nous essayons de ne pas avoir des attitudes trop nuisibles, et de rester un peu humbles, là, il n'y a pas trop à se forcer quand on a la sueur qui dégouline et qu'avec la poussière ça trace des rigoles marron dans le cou.

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Nos hôtes, Ali et Saïda

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Au bord du puits : Fatima, Saïda, Anika, Habiba, Mounia

Tout ça pour un petit bout de Fès !

Voici un peu plus d'une semaine que nous nous baladons au Maroc.

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Dans les collines du Rif, le paysage n'est pas extraordinaire ni moche non plus, c'est très sec, ça monte et ça descend, et il fait encore bien chaud fin septembre. Ensuite, dans la plaine, les cultures apportent quelques touches de vert. Nous redoutons un peu l'arrivée dans la ville de Fès, plus d'un million d'habitants, la ville la plus peuplée du Maroc après Casablanca. C'est toujours emmerdant d'arriver dans une grande ville en vélo, et bien, cela ne se passe pas trop mal à Fès. Par contre, une vingtaine de km avant la ville, un fort vent nous attaque dans une descente, nous faisant balloter de gauche et de droite. Il y a aussi des bandes de chiens errants et gueulards qui essayent de nous courser, mais ils on manifestement peur des camions, ouf. Mon rêve, je vous l'avoue : je retrousse les babines en hurlant et c'est moi qui fais peur aux chiens, ils se barrent en criant Kaye kaye !

On se disait « super, à Fès, on aura droit à plein de jeux de mots pourris » et bien déception, voici tout ce que l'on a à vous proposer :

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La médina est immense, il est bon de s'y perdre, d'observer tous ces étals, fruits secs, olives, poissons, viande. Du coup c'est un véritable voyage olfactif, avec des odeurs poussées à l’extrême : des bonnes et des mauvaises ! On passe d'une délicieuse odeur d'amandes grillées à un je ne sais quoi qui pue... Plus loin c'est l'odeur du narguilé, du thé à la menthe, des épices, des crèpes au miel. Ah les crèpes au miel de Fès, une merveille, quand vous les aurez trouvées, au détour d'une ruelle, vous ne pourrez résister..

La pire odeur, c'est celle que les tanneurs sont condamnés à respirer toute la journée, une odeur d'ammoniaque et de merde de pigeons. Il y a 2 tanneries, la plus ancienne, toute petite et complètement imbriquée dans les murs de la medina, et la grande, la tannerie Chouara, à la périphérie de la médina. La plupart des maroquiniers situés dans le quartier des tanneurs disposent d’une terrasse permettant d’observer les puits en briques de terre séchée, où sont réalisés le tannage et la teinture des peaux. C'est un vrai spectacle, cela fait de belles photos, mais l’odeur et les conditions de travail des ouvriers qui participent à cette activité apporte quelques limites à notre ravissement ! Entre 8 et 15 euros par jour pour trimer grave à nettoyer des peaux de bêtes qui serviront à fabriquer nos babouches colorées et sacs en peau de chèvre ! Les peaux, portées à dos d’âne dans ce souk, sont tout d’abord plongées quelques jours dans des cuves remplies de chaux, de fientes de pigeon et d’ammoniaque pour enlever les poils et les nettoyer.

Elles sont ensuite transférées dans les bacs de teinture où les artisans les foulent à pieds nus. Au mieux, ce sont des produits naturels qui sont utilisés pour la teinture : le coquelicot pour la teinture rouge, la menthe pour le vert, l’indigo pour le bleu, le khôl pour le noir, le henné pour le orange, un mélange d’huile et de grenadier pour le jaune. Mais parfois, ces produits traditionnels sont mélangés à des produits autrement plus toxiques tel que le chrome, par ailleurs fortement polluant. Les peaux ainsi préparées pendant une semaine, sont ensuite rincées et assouplies pendant une journée au moyen d’une machine en bois dans laquelle on les fait tourner. Bref, un travail d'un autre âge.

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Ce qui impressionne beaucoup au début à Fès, c'est que ça grouille de partout, c'est l' anarchie dans les ruelles, ânes chargés de bouteilles de gaz, marchands de nougats, de cigarettes à l'unité, on court, on se pousse, on discute devant la boutique, on travaille le bois, le métal, c'est un beau bordel et le royaume de la débrouille. Fès n'a pas très bonne réputation, mais on l'a visitée dans tous les sens et on a encore la gorge et les poches intactes.

La medina, le regard du peintre, sans les paraboles...

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