Photographier un passage de frontière est strictement interdit en Afrique, sauf quand c'est le douanier lui même qui fait la photo !
N. B : à défaut du maillot à pois, nous avons revêtu le maillot jaune pour mieux grimper les pistes autour du mont Elgon
Le temps de s'installer à la Guest house, la pluie tombe drue, nous laissant une route pleine de boue, et rendant la chaussée très glissante.
Ce n'est qu'à Sipi Falls et ses belles cascades que nous ressortons les lunettes de soleil.
Le jour suivant est pur bonheur, nous circulons dans une campagne verdoyante, et arrivons chez nos amis Robert et Rosemary. Les quelques jours avec eux sont passés à toute allure. Nous adorons ce couple plein d'entrain et de bonté. En plus de s'occuper de leur guest house dont les revenus servent uniquement à financer l'école qu'ils ont construite, Robert ne cesse de monter de nouveaux projets. En ce moment, son truc c'est l'agriculture, maïs, élevage de porcelets, de dindes et de poules
Ouganda, terre rouge et bananiers. Les ougandais raffolent des bananes, surtout sous forme de purée, le matoke. La consommation annuelle de bananes est de 200 kg par personne.
Nous n'avons quasiment pas emprunté de routes depuis notre entrée en Ouganda. Seulement des pistes de laterite, qui après une averse, prennent des couleurs extraordinaires.
Comme partout en Afrique, les engins motorisés ne s'écartent jamais pour nous laisser un peu de place. Jamais. Le petit a déjà les bons reflexes
Chaque halte est un petit bonheur
Le muzungu, c'est l'étranger qui se promène en Afrique de l'Est. Le muzungu, c'était autrefois un voyageur, quelqu'un qui n'était que de passage. Il était souvent blanc, mais il est aujourd'hui de la couleur des étrangers qui foulent le sol africain. L'Amérique du Sud a ses gringos, l'Afrique de l'est a ses muzungu. Partout le long de la route, on entend "Muzungu, Muzungu" sur notre passage. Les enfants, même les plus timides s'amusent à prononcer ces mots. Parfois, à la sortie des écoles, ce sont des dizaines de gamins que l'on a à nos trousses.
Nous continuons toujours plus à l'ouest du pays, sommes maintenant près de Masindi. Aujourd'hui, les vélos garés sous un arbre, nous demandons à Alexis et Dieudonné s'ils veulent bien nous accompagner dans la forêt. Nous avons entendu qu'il peut y avoir des chimpanzés par ici. Au début de la balade, parmi les herbes coupantes, puis au milieu des lianes, nous n'y croyons pas trop. Jusqu'à ce que retentissent leur cris. Nous avançons maintenant silencieusement et soudain, ils sont là devant nous, dans un arbre, la famille entière. Bien entendu, à peine nous ont ils aperçus qu' ils détalent en criant. Sans doute effrayés par le maillot jaune, pourtant inoffensif. Par contre Dieudonné se balade toujours avec un lance pierres. Une jolie matinée quand même, nous ne cotoierons pas davantage les chimpanzés en Ouganda. Il est pourtant facile de participer dans le sud du pays à un "chimpanzé tracking", moyennant 150 USD par personne (une bricole, comparé aux 600 USD demandés pour les gorilles) , les bestiaux sont tellement habitués aux touristes qu'ils viennent presque vous manger dans la main. Nous demandons à Dieudonné et Alexis ce qui leur ferait plaisir. "Des anti douleurs et un peu d'argent, si vous pouvez, car du coup ce matin, nous n'avons pas pu couper de cannes à sucre". Ils repartent avec une boîte de doliprane et l'équivalent de 3 jours de salaire. Voilà comment nous concevons le voyage. Les attractions touristiques et encadrées, très peu pour nous.
Et puis, c'est la ville de Fort Portal. Ses environs sont un enchantement, les collines sont recouvertes de plantations de thé. Le thé ne pousse pas partout, mais ici, les conditions de chaleur, fraîcheurs nocturnes, altitude sont réunies. Nous sommes en effet à 1400m, il ne fait pas chaud du tout.
2 cols pour le prix d'un
Nous avons repéré sur la carte un petit col de montagne, le Buranga Pass, à 1204m
C'est parti sans les bagages pour un aller retour de 78km, sur une chouette route goudronnée, puis sur un genre de piste forestière à la fin.
Partis de 1400m, nous sommes d'abord montés à 1645m, puis redescendus à 1000m et remontés à 1204m, ce qui nous fait dire que nous avons sans doute grimpé 2 cols... La misère saute aux yeux ici, les enfants sont en haillons. Au col, il y a un petit groupe au col pour acclamer les champions ! (pfffff....)
Les pistes des jours suivantes se sont montrées très facétieuses, soit toutes en bosses, soit terriblement glissantes, soit les 2.
Sans compter le fait que nous avons fait quelques petites fautes d'itinéraire, nous sommes arrivés bien rincés dans un campement communautaire du lac..... qui portait le nom pompeux de Lodge. Toujours se méfier de ce genre d'appellations "Lodge", "hotel palace", "dream hotel" qui cachent souvent de véritables gourbis. En plus, nous payons cher, signe que nous entrons dans une zone touristique.
Touristique car c'est la région des lacs de cratères, et de la forêt de Kibale qui héberge beaucoup de chimpanzés. Nous la traversons rapidement, et ne voyons que de vulgaires babouins. Pas grave, nous continuons et nous retrouvons à Kasese. Y passons 2 nuits, c'est la ville proche du Mont Rwenzori, culminant à plus de 5000m. Il reste dans les nuages en ce moment. 1500 dollars et 9 jours de marche pour l'atteindre, on passe notre tour
La saison des sauterelles bat son plein, on les trouve absolument partout et on les mange grillées. À l'apero avec une bière bien fraîche, ce n'est pas si mal (mais ça ne vaut pas le saucisson de chez Derudet, ça non !). C'est pourtant la bouffe du futur.
Et là, nous passons l'équateur. C'est donc la tête en bas que nous allons poursuivre notre route.
Nous entrons dans le queen's Élisabeth national park, réputé pour ses animaux sauvages, lions, bisons, hippopotames, éléphants... Plutôt que de garder la route principale, nous empruntons une secondaire pour aller à Katwe, un patelin dont nous avions entendu grand bien. En réalité, il n'y a rien de spécial à part les hippos. C'est donc sur cette minuscule route, sans aucun trafic que nous trouvons les premières crottes d'éléphants, dont des bien fraîches qui témoignent du passage récent de l'animal.
Et c'est précisément dans cette zone, pleine de crottes de pachyderme qu'une sacoche s'est fait la malle. La réparation a été rondement menée. Les éléphants, nous ne les verrons que le lendemain, et vraiment loin de nous.
Nous passons une nuit magique dans un camp de toiles au dessus du canal de Nazinga, qui fait communiquer les eaux de lac Edward avec celles du lac Georges. Oiseaux et hippopotames se chargent de l'ambiance musicale
Changement de programme.
La météo nous contraint à oublier les pistes, nous voici maintenant sur un bon goudron, et sommes tout surpris d'avancer si vite. À Ishaka, l'hôtel possède un sauna, en fonctionnement, ce qui donne une idée des températures en altitude. Nous resterons 2 nuits, il faut dire qu'on a besoin de repos, parceque, surpris par l'orage, nous avons dû faire une étape dans un patelin. La chambre était un gourbi, et la maison faisait débit de boissons, musique atroce et beuverie toute la nuit. À Ishaka donc, nous passons de beaux moments au marché, où nous nous gavons de viande grillée. On achète la viande au boucher, et quelqu'un nous la fait cuire au barbecue dans la rue. Un délice, bœuf et chèvre
L'avantage de cet itinéraire improvisé est qu'il nous permet de cueillir quelques cols, dont quelques uns à plus de 2000 mètres quand même. D'abord, en montant vers la ville de Kabale, nous en attrapons 2. Il ne fait pas chaud.
Avec ses lacs et montagnes verdoyantes, on appelle souvent le sud-ouest de l’Ouganda "la Suisse de l'Afrique". Nous laissons la poussièreuse ville de Kabale pour nous installer au bord du lac Bunyonyi, magnifique plan d’eau créé lors d’une éruption volcanique quand une coulée de lave a endigué une rivière. Une piste magnifique le surplombe. Nous ne la parcourerons pas le lendemain comme prévu, malmenés par une fâcheuse intoxication alimentaire, due à un plat d'écrevisses. Malades comme des chiens. Un jour passé à se requinquer. La piste qui permet de repartir du lac est raide, puis en encorbellement, c'est une beauté. Elle nous amène à l'extrémité nord du lac, où nous repassons une nuit. Petite étape c'est vrai, mais avec un peu de dénivelé quand même et n'avons pas encore totalement récupéré du cauchemar écrevisses. Anne, l'aubergiste est tr3sympa, nous dormons dans un petit chalet de bois. Le matin, nous attendons patiemment que la brume se lève pour partir à l'assaut des 2 derniers cols avant le Rwanda. Le 1er est un peu long, le second un jeu d'enfant.
Nous passons dans la forêt d'Echuya qui hébergeait une population de pygmées batwa. Chasseurs et cueilleurs depuis des générations, les Batwa ont été déplacés non loin de là dans la ville de Kisoro, où ils ont eu beaucoup de mal à s'adapter à la société moderne. Ils n'ont pas été indemnisés pour leurs pertes et ont été réduits à l'état de squatteurs, sans terre, vivant dans ce qui s'apparente à des bidonvilles. Ils n'ont pas non plus le droit de retourner dans leur habitat ancestral, sauf quelques uns qui sont embauchés de temps à autre, pour aller dans la forêt donner un spectacle à des touristes. Une comédie grotesque où habillés de peaux de chèvres avec fermeture éclair, on leur fait par exemple mimer des scènes de chasse où ils font semblant de tirer sur un animal en bois ! . On appelle ça la "Batwa experience“ et manifestement, cela ravit les touristes, ceux qui" font un pays" : "j'ai fait l'Afrique !!! “
En Afrique de l'est 45 % de la population a moins de 15 ans. Ce sont donc beaucoup d'enfants qui vous acclament (Muzungu how are you? How is your life? Where do you go?) ou se contentent d'un petit geste timide. Pendant un mois, ça n'a été que du bonheur. Merci à eux d'avoir été nos rayons de soleil (même quand la pluie tombait drue). Malheureusement, le dernier jour, dans une région éminemment touristique (lacs, gorilles, pygmées Batwa) tout à basculé. Les gamins sont devenus très chiants (demandes insistantes d'argent, de stylos, de friandises, tirage des sacoches....) à tel point que nous avons dû faire de la discipline à nombreuses reprises. Merci à tous ces touristes irresponsables qui pour soulager leur conscience de "personnes aisées en pays pauvres" se croient obligés de jouer aux "Muzungu au grand cœur" en distribuant toute sorte de choses sans réfléchir aux conséquences. Merci, grâce à eux, un certain nombre de gamins n'iront plus à l'école, mendier étant devenu plus lucratif. Grâce à eux aussi, ce sera bientôt comme en Éthiopie, les cyclistes auront besoin d'un casque pour amortir les jets de pierre. Et peut être même renonceront ils à parcourir ce beau pays