• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
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John, souhaitons que ta petite entreprise ne connaisse pas la crise !

Kitale est une ville de moyenne importance, bien caractéristique des autres villes du Kenya : bruyante, bordélique à souhait au premier abord. En réalité, il ne faut pas longtemps pour l’apprivoiser, et on s’aperçoit alors qu’au cœur de ce qui parait un immense foutoir, tout est relativement bien organisé. Dans cette rue on trouve toutes les pièces pour réparer son téléphone portable, dans celle là, il n’y a qu’à puiser dans d’immenses ballots de linge pour se vêtir à bon compte (2 ème main venant de continents plus favorisés, censés au départ être distribués aux nécessiteux... ), par là bas le petit marché de fruits et légumes, avec ses mangues et avocats délicieux.

Alors que nous recherchons un logement, on tombe sur un jeune qui propose de nous conduire dans un hôtel bon marché qui devrait nous convenir. En chemin, faisons palabres et présentations. John est un « street boy », un jeune qui vit dans la rue, Papa parti sans laisser d’adresse, maman morte d’alcoolisme. Alors John se débrouille comme il peut : donne des coups de main par ci par là, charge ou décharge des camions, contre quelques pièces. Sa maison ? c’est la rue, il dort sous les étals des marchés, se lave dans les aires de lavage des véhicules qu’il décharge. Son paquetage ? une bâche en plastique pour les jours de pluie. Nous prenons congé. Le lendemain à la première heure, le voilà tout sourire devant notre porte : « je suis venu vous saluer avant que vous ne repartiez ». Très bien, alors partageons le petit déjeuner. Il semble apprécier, clair qu’il ne mange pas tous les matins…Le serveur le connait bien, il lui donne parfois de la nourriture, car « c’est un bon gars, toujours souriant et aimable, il n’est pas comme ses collègues de galère qui boivent, sniffent de la colle et sont devenus de véritables épaves, et puis, il nous amène parfois des clients ». Nous reparlons de la situation de John, sans domicile, ni papier d’identité, il ne peut prétendre à aucun travail régulier. A 17 ans, il est trop âgé pour être accueilli dans une des nombreuses Missions qui abondent au nord Kenya.

Mais tout n’est pas perdu, car John a un rêve : il aimerait vendre des œufs durs dans la rue. « qu’est ce qui t’en empêche ? ». On s’en doute bien, il n’a pas de quoi acheter un seau, un couteau….et les œufs !

Sans doute que l’idée que nous l’aidions un peu a germé dans sa tête…, mais ce garçon est intelligent, à aucun moment il nous demande quelque chose. On dirait qu’il nous connait déjà, qu’il sait qu’il ne nous aura pas en essayant de nous faire porter un quelconque sentiment de culpabilité et que nous détestons qu'on nous force la main pour quoi que ce soit...C’est donc sans aucune contrainte et très contents que nous lui proposons d’aller acheter son nécessaire pour lancer l’ « entreprise». Parcequ'en réalité, dans notre tête, l’idée de l’aider avait germé depuis hier. Nous voilà tous les 3 au supermarché pour choisir 1 couteau, 1 cuillère, du sel, un tube de sauce, 500g d’oignons, 500g de tomates, des petits sacs plastiques, 2 douzaines d’œufs, et 2 petits seaux pour trimballer le tout. Et un petit sac de charbon de bois.

Battre le fer pendant qu’il est chaud. Nous préparons l’émincé de légumes pendant que John part faire cuire les œufs quelque part. Tout est prêt, nous voici partis tous les 3 pour faire la vente. Notre apprenti vendeur est timide, il n’ose pas aborder le chaland. Après une petite heure de coach intensif, (comme si on avait vendu des œufs durs toute notre vie sur le marché ), nous le laissons seul maitre à bord. Rendez vous est donné pour le soir. 19 heures pétantes, il se pointe, le visage barré d’un immense sourire : « j’ai passé une journée fan tas tique !!!!! » . Non seulement il a vendu facilement tous les œufs, mais il a trouvé une chambre à louer. Il a versé une avance, et le proprio, compréhensif, lui fait 15 jours gratuits et lui prête un matelas, « emménagement » ce soir…Nous fêtons ça autour d’un poulet-frittes.

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John préparant son premier œuf : écalé, coupé en deux, farci avec l’émincé tomate oignon, un peu de sel et de sauce chilli....bon appétit !

7 h le lendemain matin : John a passé une super nuit chez lui, la première à l’intérieur depuis des lustres. Sa piaule est bien, avec de la lumière, et il a accès à un robinet dans la cour pour se laver et laver son linge. Il nous raconte ça tout exalté en croquant nos tartines, il a dégoté dans un ballot de linge un tee shirt orange qu’il a payé 0,3 euros, en marchandant. « je dois être propre sur moi, sinon, qui va m’acheter mes œufs ? D’ailleurs, dans quelques temps, je m’offrirai une blouse blanche, ça fera smart et on me reconnaitra de loin ». Pour l’instant, il a toujours un pantalon pourri et des savates défoncées….mais avec le tee shirt sans trou, il a déjà meilleure allure ! « Et puis, je vais passer une visite médicale, et aller chercher mon extrait de baptême pour me faire faire des papiers d’identité…., et puis et puis…… »
Nous reprenons la route, laissant John à ses projets. Redormira t’il un jour dans la rue ? Nous ne le saurons sans doute jamais, mais aujourdhui, il y a 3 heureux à Kitale.

Quittant Kitale, nous repartons direction l’Ouganda, et à Endelbess, il nous vient l’idée de garer les vélos et d’aller grimper le Mont Elgon, 4222 m. Nous avions mis ce sommet au programme du mois de juillet dernier, pour l’acclimatation en vue du Mont Kenya et avions changé nos plans. Raison de plus pour le tenter cette fois ci. Le chemin est facile, hormis dans une zone marécageuse.

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vu d'ici, il parait encore bien loin

Le paysage est assez sympa, avec les fameux sénéçons et lobélies, typiques de la végétation afro alpine, que nous trouvons aussi en masse au Mont Kenya.

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On voit aussi quelques animaux, babouins et surtout beaucoup de waterbuck, espèce de grosses biches. Théoriquement, il faut guide et ranger pour nous accompagner. Nous réussissons après moult discussions à nous passer du ranger….On fait le sommet avec le guide David, très gentil, et le conducteur de la voiture pour qui c’est une première. Une photo des summiters, et hop, direction la plaine !

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Le lendemain, 17décembre, nous regrimpons sur les vélos. Au petit poste frontière de Suam, nous obtenons facilement notre tampon de sortie du Kenya, sans avoir obtenu celui de l’entrée deux semaines plus tôt, et dans la foulée, un visa et un tampon d’entrée pour l’Ouganda.

Un court séjour au Kenya, qui nous laissera d’innombrables souvenirs de personnes réellement attachantes, c’est un pays vraiment chouette que nous aimons beaucoup.