• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
  • 20171218 134510   Copie 2

Nous sommes à l'ouest

Chers lecteurs, être chez soi, c’est super. On ne se pose pas de questions, peinards, plus besoin de nous laver dans la rivière, de pédaler chaque jour, il y a de l’eau potable au robinet et de la bière dans le frigo, des toilettes avec la chasse d'eau, qui fonctionne en principe, tout est confort et assez facile. On a aussi des images plein la tête, parce que le précédent voyage nous habite toujours un peu, on dépose plus facilement ses sacoches que 6 mois de beaux souvenirs. Quand même, la vie est moins palpitante que quand nous nous battions avec les chiens en Turquie ou que nous buvions le coup avec un berger tibétain. Alors, nous reprenons la route. Pour raison familiale, nous la ferons moins longue cette fois ci, mais nous voulons goûter à nouveau à la vie que nous aimons. Alors, où sommes nous ?

« Nous sommes à l’Ouest ». Mais qu’est-ce que cela signifie au juste ?

Sommes nous totalement déphasés, à coté de la plaque, sommes nous, comme le professeur Tournesol, entrain de chercher le trésor de Rakham le rouge à l’ouest, toujours à l’ouest ?

Non, nous sommes simplement à l’ouest du continent américain, là où il y a 2 ans, la rencontre avec le troisième type à moto avait brisé une poignée d’os et interrompu notre route.

Nous sommes à Prince George, nous y avons séjourné longuement en Juillet 2009, mais cette fois, nous caressons l’espoir de connaitre autre chose que l' hôpital.

La nature a horreur du vide. Tout espace doit être occupé par quelque chose…Le deal est de faire entrer un vélo couché de 2 m d'empâtement et ses sacoches dans un carton d’1m 58 de long.

En effet, pour prendre l’avion, il faut emballer le vélo, certains font ceci (tiré du blog : http://vlocouchbentenavion.blogspot.com/)

veloembal

C’est malin, car le vélo peut rouler…mais il n’est pas hyper bien protégé, et les sacoches sont conditionnées à part. Nous allons essayer de n’avoir qu’un bagage chacun en soute.
Patience et méthode permettent de conclure.

La roue avant a été retirée, le siège et un porte bagage démontés, le guidon plié, au final, ce n’est pas tellement plus compliqué qu’avec un vélo droit. On se demande qui a écrit cette dernière remarque.

Là où cela se complique, c’est qu’à ce stade le carton est déjà plein et qu’il faut maintenant y faire entrer 3 sacoches pleines, la 4ème chargée à mort n’ira pas en soute et restera avec nous. Une fois l'opération terminée, on ne peut plus glisser un atome de marchandise dans le carton.

A l’arrivée, il faut remonter le vélo. Comme nous arrivons en pleine nuit, après plus de 30h de vol et 3 changements d‘avion, ces réjouissances sont reportées au lendemain.

25 Juin 2011. Ça y est, les vélos sont remontés, moyennant quelques réparations ( disque de frein plié, divers trucs tordus ). Il faut maintenant rééquilibrer le contenu des sacoches, faire quelques réglages et essais, il y a de grands parkings pour réviser les manœuvres. Nous prenons conscience qu’on aurait peut être pu se passer d’embarquer un antivol, car le voleur doit être motivé et courageux. Le temps qu’il apprenne à démarrer l’engin, avec le poids des sacoches, il risque de se retrouver plus d’une fois le cul par terre.

Nous allons faire le plein de bouffe pour 3 jours, le plein d’essence.

plein

C’est Bill avec son gros 4 x 4 qui a proposé de faire la photo et en plus, il a payé l’essence nécessaire pour le réchaud. Ça commence bien.

Aujourd’hui, la météo est toujours assez exécrable, cela devrait se calmer demain, de toute façon, nous partirons au chant du coq. On va maintenant se taper une petite séance jacuzzi, le motel n’est pas top du tout, même un peu pourave, mais il y a un jacuzzi, profitons avant de nous ébrouer dans les rivières. On vous dit à bientôt.

Au cours du récit de notre épopée, certains mots ou expressions seront donnés en anglais et traduits en français. De cette manière ceux qui ne maitrisent pas la langue de Shakespeare ne seront pas frustrés, et les autres se nourriront des approximations de la traduction.

26 Juin.

departpg

Not so easy ( pas si facile). C’est le départ. Oui, le vrai départ, c’est quand on a surmonté tout le stress du voyage en avion, le souci des bagages ( arrivés, pas arrivés, cassés, pas cassés ), quand enfin on se met au poste de pilotage et qu’on devient vraiment acteur de son voyage. Ce n’est jamais complètement évident de démarrer un périple, de quitter les repères sécurisants du motel pour l’inconnu.

Comme c’est la première, cette journée sera racontée par le menu. Par la suite, ce sera plus light ( pas traduit, vous connaissez, c‘est écrit sur le coca que vous buvez pour pas grossir…). Ce n’est pas facile de tenir un blog à jour. Quand on fait du camping, pas de wifi et puis, on a pas mal de tâches à effectuer, il faut aussi qu’on garde un peu de temps pour pédaler. Ce matin donc, nous sommes fin prêts, tout est pile poil rangé depuis hier, mais c’est sûr que nous nous posons des questions. D’abord, la météo est annoncée pas terrible, avec des showers ( douches gratos, celles qui arrivent du ciel sur ton nez quand tu pédales). Mais la grosse question concerne notre aptitude à réussir à dompter notre attelage, nous n’avons pas beaucoup de km dans les pattes en vélo couché, et c’est la première fois que nous voyageons avec cet engin. Oui oui, on sait bien qu’on ne va pas attirer votre pitié. Nous sommes bien émoustillés et démarrons gaiement. Notre détermination se heurte vite à la fraîcheur ambiante, pas plus de 10 degrés ce matin. Le ciel est bien chargé, de gros nuages qui ne laissent rien présager de très bon, mais ça va, pas de pluie. Pas trop de regrets de quitter Prince George, qui n’est pas connu comme un haut lieu du tourisme international. Nous avons tout le loisir de nous échauffer pendant la première grimpette, la ville se trouvant au fond d‘une cuvette.

202k

Des pancartes qui tuent…mais qui tiennent leurs promesses.

Dès la sortie de la ville, là où la pente se redresse méchamment, là où on se demande si c’était vraiment indispensable d’embarquer un poulet entier pour le pique nique, c’est écrit : No hitch-hiking pickup is illegal (range ton pouce, tu ne feras pas d’auto stop, c’est interdit). Mince alors.

Plus loin, un avertissement qui nous fait froid dans le dos : Chek your fuel, next service 202 km (t’as pensé à faire ton plein d’essence ? La prochaine station est dans 202 km). Ça donne une idée de la concentration urbaine. Et qu'est ce que je fais si je tombe en panne sèche ?

Beware wild animals ( attends toi à voir plein de bêbêtes sauvages ). Ça a commencé par un énorme cerf bien cornu, il a traversé devant nous. Arrivant près d’une zone marécageuse, on s’est fait bouffer par les moustiques. Et enfin, au camping, plein d’écureuils sont venus nous voir, il y en a même un qui a voulu nous piquer du pain. Non mais sans blague.

La rencontre avec Robin wood ( Robin des bois ), c’est comme ça qu’il s’est présenté, c’est vrai que la ressemblance est frappante. Et bien, l’ami Robin, il arrive d’Ushuaia, il est parti en novembre 2009, et il a 27 000 km au compteur. Quand il nous a demandé combien on en avait, on lui a répondu 50 et il nous a vraiment pris pour des nains !

Au final, une bien bonne journée. Oh, pas grand-chose à voir, des rivières et des forêts, on a traversé la rivière Fraser, c’est parait il la rivière la plus poissonneuse au monde (saumons), une route agréable avec des montées et descentes, mais jamais trop pentue. Au km 65, on avait 600 m de dénivelée, il était encore tôt, mais on s’est posé dans un des rares camping, comme ça, on a eu un banc et une table pour manger notre mélange de soupe et de pâtes. Bruno a été scié d’ avoir à débourser 16 $ pour avoir seulement un banc et une table, il dit qu’en Chine on aurait eu un bon hôtel et la pension complète. Ça donne une idée de la prochaine destination.

cam

27 Juin. La météo est fiable, sale temps qu‘ils ont dit. Ce matin, il a fallu faire sécher la tente détrempée par la pluie de la nuit.

En chemin, une pancarte nous met en garde :

b 395

3s plus tard, vous entendez ? 3 s plus tard, le bestiau est là, sur le talus. Il est énorme. Il n’a pas de cornes. Il ne ressemble en rien à l’image. Visez un peu notre trouble. D’un coup, le vélo prend 3 g d’accélération. Un ours, nous sommes passés à côté d’un ours énorme. Un traumatisme qui va changer notre regard.  C’est fou comme une grosse touffe de poils peut vous rendre émotif. Toute masse sombre aperçue au loin est un ours présumé et nous nous pissons dessus de trouille. Ce n’est qu’en arrivant sur le lieu que l’on perçoit l’imposture : un pneu, un bidon vide, voire…un gros corbeau.

La 2ème rencontre, c’est celle de Klaus, cycliste allemand qui traine sa remorque. Il va livrer en Alaska une collection de décorations de carnaval qui appartient à son père. 

DSC00021

Du coup, il a 65 kg de bagages le gaillard.

A part ça, que dalle, ah si, Bruno a vu un bébé ours et un moose, la grosse bête à cornes. C'est con un moose, mais c'est beau. 

Nous avons fait 110 km pour 950 m de dénivelée, tout ça pour avoir à nouveau une table et un banc pour le soir. Le menu, on ne le donne pas, c’est le même qu‘hier. Ça s’appelle camping, mais c’est juste un chouette endroit au bord d’un lac, et il n’y a que nous. On va bien dormir, on est raides morts.

28, 29 Juin.

Le matin :

DSC00025

Le soir :

DSC00026

Le lieu : une maison douillette à quelques km de Mac Bride, le patelin où nous pensions faire étape.

Les acteurs : d’abord, il y a nos hôtes, le truculent Peter et sa femme Teaseal. Ils sont anglais mais vivent ici et tiennent un camping et Bed and Breakfast (chambre et petit dej.)

Ensuite, il y a Ludo et Céline, tous deux comédiens français, mais en voyage depuis un an. Ils font du Woofing, c’est-à-dire qu’ils travaillent ( en principe dans des fermes biologiques ) en échange du gîte et du couvert.

La soirée : tout simplement excellente, d’abord nous sommes au sec, car après avoir été copieusement arrosés la nuit précédente, nous avons plié une tente gorgée d’eau et roulé sous la pluie. 35 km, c’est peu, mais ce n’est pas de la pluie tropicale dans ces contrées, elle a vite fait de nous glacer l‘échine. Ensuite, Teaseal nous a concocté un super repas, avec vin rouge canadien. Et puis, chacun y va de sa petite histoire. On apprend ainsi que c’est par hasard que nos deux woofers sont là. Leur dernier plan woofing n’a pas très bien fonctionné : malgré un contact internet, la ferme où ils sont arrivés ne les attendait plus. Arrivés en stop grâce à un type qui a accepté de les emmener au rendez vous sur une piste horrible à 30 km de la route, ils ont été mal reçus, le fermier n’a pas voulu les reconduire à la route et ils se sont retrouvés à 7 heures du soir sans bouffe, avec un litre d’eau, en plein bush. Ils ont commencé à marcher avec leur gros sac à dos, ils ont rencontré un ours, etc. Finalement, terrorisés, ils ont trouvé une autre ferme, toujours dans le bush, et le gars les a emmené chez Peter et Teaseal. Ils y sont maintenant depuis un mois. Heureux dénouement.

Peter a chez lui la peau d’un énorme loup. C’est lui qui l’a tué. Il a aussi tué un grizzli : 2m de haut sur ses 4 pattes, et 4 m de haut dressé sur ses pattes arrière. Ils n’avaient jamais eu un engin pareil dans les parages. Il y a peu, un touriste à cheval a pris en photo un cougar, près de la maison.

On apprend aussi qu’à mac Bride, patelin de 600 âmes, il n’y a pas moins de 7 églises, de 7 confessions différentes, des évangélistes, ammonites, amish etc….on vous laisse vous documenter, nous ne sommes pas bien cultivés pour ces choses là.
30 Juin : hier, il est tombé des cordes, une pluie drue et froide, nous n’avons pas bougé. Nous démarrons ce matin sous un tout petit crachin. Qu’y a t il à voir par ici ? C’est clair que si on aime visiter une église romane tous les 10 km, ce n’est pas en British Columbia qu’il faut venir. Depuis ce matin, on voit la même chose pendant des km et des km, et pourtant ce n’est jamais pareil. Forêts, lacs, montée, descente, pont, le soleil qui joue à cache cache avec les nuages. Parfois, il y a une belle lumière et on se dit : tiens, après la montée, je m‘arrête pour faire une photo. On arrive au sommet de la côte et la belle lumière n’est plus là, il se met à pleuvoir à nouveau. Nous faisons étape à Tête jaune cache. (la planque d'un indien)

DSC00032

DSC00067

DSC00073