• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
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13 Juillet. Nos premiers contacts avec les amerloques : d’abord le douanier, très sympa, qui nous file une carte du Montana et…un sifflet. Ensuite, à Eureka (le nom du patelin où nous passons notre première nuit), nous avons l’agréable surprise de trouver en pleine ville une petite place engazonnée avec douches et toilettes, mise à la disposition des cyclistes de passage. Cool. Mais la nuit, la pluie remet le couvert. Pas cool, et ça dure aussi une partie de la matinée, avec de gros orages. Alors que nous roulons depuis une dizaine de km sur une petite route adorable avec des biches qui dansent dans les champs et même devant nos roues, non non, nous n’avons rien fumé, un automobiliste s’arrête et nous propose de venir dormir chez lui, la journée sera horrible nous dit il. Nous déclinons l’invitation, car pluie ou non, nous avons l’intention de nous rendre à la petite ville de Whitefish et y passer la nuit.

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14,15 Juillet. Changement de programme. Ceux qui ont bien suivi savent que l’on devait shunter le parc des glaciers et pourtant, nous y sommes.

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Que s’est il passé ? Alors que nous prenons un café dans une station service, nous faisons connaissance de 2 cyclistes de nouvelle Zélande qui nous recommandent fortement de passer par le parc des glaciers, ouvert depuis 2 jours seulement à cause de la neige. Nous changeons donc le plan le plus récent et…retour à la version précédente : c’est parti pour les glaciers.

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Le Donald lake, à Apgar, entrée ouest du parc 

Ce parc ne pourra bientôt plus porter son nom. En 1850, on y comptait 150 glaciers, aujourd’hui, il n’y en a que 25. La route est décrite comme très spectaculaire de par ses ouvrages. Elle a été commencée en 1927. Pour nous qui sommes habitués aux routes de montagne, c’est une belle route alpine, point barre….et très très fréquentée. Elle est assez étroite, sans shoulder, mais interdite aux gros véhicules, les autres sont obligés de rouler lentement. Au col, le paysage est quand même assez chouette, mais il fait vraiment froid, nous commençons la descente à travers de gros murs de neige.

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Logan pass, 2036m

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Arrivée dans la plaine, changement complet de décor

Dans les campings, qui sont comme au Canada réduits à de simples emplacements, tout est bien organisé. Il y a des emplacements réservés aux gens sans véhicule, comme nous. Nous sommes amenés à y faire des rencontres diverses et variées.

Hier soir, Caroll, docteur en chimie, qui avait un bon job bien stressant dans une grande ville a un jour décidé de vivre différemment, et de travailler dans le sport, monitrice de ski, accompagnatrice en montagne etc…Puis elle a tout arrêté pour s’occuper de ses parents infirmes qui n’avaient pas les moyens financiers de se payer une maison spécialisée. Aujourd’hui, ils sont morts, Caroll ne trouve plus de boulot à cause de son âge, elle vit dans sa tente, parfois dans les campings, mais le plus souvent en pleine forêt….Mais Caroll n’est pas con, elle a trouvé la parade, elle va reprendre des études pour toucher une sorte de bourse, et comme elle dit, pour ne pas laisser son cerveau mollir. A 64 ans, elle vient de s’inscrire pour passer un diplôme de sylviculture !

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Ce soir, Bryan, un cycliste américain hyper jovial partage l’emplacement avec nous. Il est parti pour un périple de 6000km, une traversée des Etats Unis dans la partie Nord. Il est tout seul, ne manque pas de temps manifestement puisqu’il est retraité depuis peu, ni d’argent. Avec quelques mille km dans les pattes, son périple est loin d’être terminé, mais il nous parle déjà du suivant, sans doute l’Europe, pour gravir des grands cols.

Et puis, on va se mettre au lit quand arrive Antoine, un jeune étudiant lyonnais qui roule aussi en vélo et remorque pour visiter les parcs et des membres de sa famille qu’il ne connait pas encore. Pour l’anecdote, Bryan et Bruno ont 5 jours d’écart, le père d’Antoine s’appelle Bruno et le père de Bruno s’appelait Antoine…z’avez suivi ?

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16 Juillet.

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De St Mary, un col à gravir pour atteindre une réserve indienne, celle des Blackfeet (pieds noirs) dont le fief se trouve à Browning, patelin où nous passons la nuit. Il est 14h quand nous arrivons dans les faubourgs de Browning, nous traversons une zone de baraquements sinistres, des carcasses de voiture, des chiens errants, ça respire la tristesse et le désespoir à plein nez. En général, à 14h, après notre piquenique quotidien, nous prenons un café. Aujourd’hui, la pause café est longue. Nous sommes comme d’hab à la station service et un étonnant spectacle se déroule sous nos yeux. C’est le bal des voitures, du gros pick up à la vieille guimbarde pourrie. Des « Indiens » en descendent, ils sont quasi tous obèses et viennent se ravitailler en bière, et en nourriture…mais quelle nourriture, graisses, sucreries….Une vieille buick rouge est garée devant nous. A l’intérieur, une femme énorme attend. Son mari sort de la station service et lui tend un gros paquet de chips et une bouteille de coca de 2 L. Elle se jette dessus comme la misère sur le pauvre monde et bouffe le tout en moins de temps qu‘il en faut pour crier gare. Le type revient pour discuter avec nous….enfin…essayer….car il n’arrive plus à aligner 3 mots, il est bourré, complètement bourré. Cependant, nos vélos l’intriguent….il doit lui rester un peu de lucidité car il fait mille mimiques pour essayer de comprendre comment ça peut marcher des engins pareils. Il a bien vu que les pédales sont en haut et le guidon en bas, ça bouleverse ses repères, déjà bien ébranlés par le whisky qu‘il a du se taper. Alors il se penche, la tête au ras du sol et les mains sur les poignées du guidon, comme s’il voulait pédaler la tête en bas. Il a l’air bien brave, on lui fait une démonstration, il est mort de rire. Après nous avoir souhaité quelque chose genre bienvenue, bon séjour etc., il repart en titubant et prend le volant de sa bagnole. Et ça continue, toujours dans le même registre, la plupart des hommes sont déjà bien éméchés, la plupart des femmes sont d’une grand tristesse, le regard vide. Ambiance. Au village, c’est même combat. Nous voulons visiter le musée, il est fermé, nous poussons jusqu’au casino. Rapide tour de salle, c’est pathétique, nous préférons tailler la bavette dehors avec un groupe d’indiens. Ils sont sympa et connaissent 3 mots de français, reste de colons français passés par là. 

Nous passerons par la suite par des villages à consonance française, Dupuyer, Choteau.

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Ça parle des réfugiés de la Rébellion de Riel.

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17 Juillet. "A journey is like marriage. The certain way to be wrong is to think you control it." -- John Steinbeck (un voyage est comme le mariage, tu te fous le doigt dans l’œil si tu penses dominer la situation.)
Chaque soir, nous faisons un brieffing (réunion au sommet) afin d’imaginer les détails de la journée suivante, à savoire l’endroit du pique nique et surtout l’endroit où théoriquement on va se poser le soir. Là c’est clair, 115 km dans la plaine, cela ne posera pas de problème, fingers in the nose (les doigts dans le nez), nous dormirons à Choteau.

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Patatrac : il est 16 heures, nous n’avons parcouru que 65 km, et nous sommes archi k.o. Nous avons eu dès le départ un vent de face terrible, et nous avons lutté pour trouver enfin un endroit abrité. La plaine que nous avons parcourue est grandiose, c’était une plaine à bisons. Sur 65 km, pas une maison, pas un bosquet, rien pour se mettre à l’ombre. Le soleil s’en donne à cœur joie pour rôtir ce qui dépasse. Nous nous écroulons au Bagdad café de Dupuyer et, le moral en berne, nous décidons de nous arrêter ici, en grossissant la population du village pour la nuit. 54 + 2 = 56 personnes. Lot de consolation : ces Bagdad café sont heureusement toujours le lieu de faire de bonnes rencontres..

18 Juillet. Rebelote, vent, chaleur éprouvante, plaine infinie avec parfois une bosse, rien de rien, pédale, circule, y rien à voir.

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19 Juillet. Nous sommes hyper contents : journée de merde, chaleur, vent etc…mais ce soir, nous arrivons dans un endroit charmant, nous approchons à nouveau des montagnes. Juste avant midi, nous faisons une pause à l’ombre dans un casino, pas le choix, c’est ça ou encore 50 bornes en plein soleil. Au bar, il y a des gens du cru, bien graves mais gentils, entrain de boire l‘apéro, alcools forts, ça rigole pas. Ils disent nous avoir doublés dans leur pick up et nous posent milles questions sur nos vélos et notre voyage. On leur propose d’essayer, oh que non, ils préfèrent tester un cheval sauvage. Chacun son truc.

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La traversée de Great falls est assez éprouvante pour les nerfs, nous sommes sur un très grand axe et devons bien veiller à regarder ce qui se passe derière. Merci le rétro, notre 3ème œil. Puis, alors que l’orage se profile, nous accélérons la cadence. Les esprits chagrin qui prétendent qu’un vélo couché n’avance pas se trompent. Sur le plat, avec l’orage aux fesses, un vélo couché peut avancer très très vite !

20, 21. Finies les plaines agricoles, les silos à grain, nous allons retâter des montagnes.

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Nous prenons une journée de repos car nous allons nous lancer dans un grand col, très long . Nous avons vu le profil sur « openrunner », rien de terrifiant, mais il nous faudra tout de même monter à 2400m. En effet, pour nous rentre au Yellowstone, il nous faut traverser une chaîne de montagnes, appelées « little belt », connue pour ses petites stations de ski. Ce qu’il faut comprendre, c’est que nous sommes toujours plus ou moins dans les rocheuses, tantôt en les longeant, tantôt en les « escaladant ».Grimper ce col est un pur plaisir, nous longeons d’abord une belle rivière, puis prenons le frais dans une forêt dont les effluves résinées embaument l’atmosphère. Seule la sortie du col est un peu raide, franchie à 5 km/h, c’est la limite du système, en dessous, ce serait la chute.

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ça rigole.....mais juste avant, ça rigolait moins !!!! 

En bas du col, un bain dans les sources chaudes de White sulfur springs nous délasse, laissez nous vous dire qu’au cours de journées comme celle ci, on en redemande

22 Juillet. Ça continue dans le génial, car nous sommes maintenant sur un plateau, et on a une petite brise……de derrière . Alors là, ça déménage. Même les frères Schleck devraient se tenir à carreau. On ne le sent pas vraiment, ce vent, mais quand on regarde le compteur et qu’on constate que l’on roule à plus de 30km/h en pédalant tout tranquillement, on comprend qu’il est là. Et nous sommes toujours motivés par l’orage qui est dans notre dos, orage qui avance encore plus vite que nous. Nous déboulons à vive allure dans un patelin, le ciel est noir de chez noir, il pleut déjà au loin. Nous trouvons un bed and breakfast super mignon tenu par Barbara, une prof de français, et tandis qu’il pleut, son mari Don nous donne de bons conseils pour la suite de notre itinéraire. Il y a des jours comme ça, où on se dit qu’on doit être un peu amis avec les Dieux.

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23 Juillet. Chico, trop Chicos pour nous.

Janis Joplin : a piece of my heart, un morceau sublime au Bagdad café du bled « emigrant ». La tente est montée dans la cour, entre le tractopelle et un pick up, et sous des nuées de moustiques. Nous pensions faire étape à Chico Hot springs, mais ce complexe touristique affichait complet. Tant mieux, nous ne sentions pas du tout l’ambiance bcbg tendance frime. Evidemment, pas question de monter la tente à Chico, on a bien tenté de s’isoler un peu, mais les gardiens patrouillent sec. Dans les environs, ce ne sont que des propriétés privées. Un de ces mecs de la sécurité comprend notre embarras, on pense un instant qu’il va nous laisser nous cacher dans un coin, mais non, il nous propose son plan : à quelques km, il connait un bar, il est quasi certain que l’on pourra y planter la tente. C’est ainsi qu’après avoir barboté dans l’eau chaude avec quelques vedettes hollywoodiennes (rigolez pas, elles adorent venir à Chico…), nous reprenons la route, et à la nuit tombante, ce qui était impensable il y a quelques km devient un jeu d’enfant : bien sûr qu’on peut planter la tente, et même utiliser la salle de matin le matin, et avoir l’eu chaude pour le thé…Ah ça nous va, de plus, le patron est très sympa, il a bien quelques bières dans le cornet…comme tous ceux qui traînent par là, mais l’ambiance est bon enfant et le juke box diffuse une excellente musique. Les compresseurs des frigos ont tourné toute la nuit, les mecs au pick up complètement bourrés sont venus le récupérer en pleine nuit en rigolant et en faisant moult commentaires sur les cinglés qui dormaient sur un parking, mais ils nous ont foutu la paix. Pour vous rassurer, sachez que l’on a toujours le Pepper spray (bombe au poivre) dans la tente, ça peut servir contre les grizzlis et …..les types bourrés…

Le bonus du Montana , en chanson.....