• Enteteroulemaloute 5
  • 29 Avril 2017
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Tous les cyclistes ayant posé leurs roues ici vous le diront : l’Ethiopie a beaucoup à offrir, mais elle se mérite ! Physiquement à cause de son relief, et psychologiquement à cause des sollicitations quotidiennes de la part des enfants. Dans leurs récits, les cyclo voyageurs racontent leur exaspération et divers incidents qui ont jalonné leur route. C’est pour cela que nous avons hésité à venir en Ethiopie avec nos vélos. Aujourd’hui, après plus de 800 km de pédalage, nous ne regrettons pas, et vous racontons comment nous avons vécu ces moments.

« pen, pen, pen » « moni, moni, moni» (money, money, money)

Vous connaissez peut être l’enfant-stylo du Maroc, qui vous aborde en réclamant « stylo, stylo », histoire de faire croire qu'il est pauvre. En réalité, son trafic de stylos en fait l'enfant le plus riche du village. Selon nous, cet enfant est un pur produit du touriste au grand cœur, qui en proie à des accès de pitié et culpabilité, distribue argent, bonbons, stylos à qui mieux mieux. Eh bien, ce petit marocain, c’est un enfant de chœur comparé à son homologue éthiopien. Celui-ci vous demandera un stylo, ou alors il vous demandera « moni, moni », avec une insistance psychiatrique. La force de ce gamin : il court, vite, et tient la distance. Il ne cède jamais et n'a pas peur de nous. Sa seule faiblesse, c’est sur le plat, il va moins vite qu’un vélo couché. Mais en Ethiopie, la route est rarement plate. Alors, ce con, à chaque montée, il profite de notre lenteur pour nous harceler. Celui-là, combien de fois j’ai eu envie de m’arrêter pour lui faire bouffer une poignée de birhs (la monnaie locale) ?

Pourtant, lui aussi est sans doute aussi un pur produit du touriste. Ou alors un produit des agences d « aide internationale et développement » qui pullulent ici depuis des décennies avec leurs bienfaiteurs qui gagnent très bien leur vie, roulant dans de beaux 4 x4 et qui font passer tout blanc pour une banque sur pattes. La pauvreté, le faible niveau d’éducation, est peut être aussi à mettre en cause, mais n’y croyons pas trop. En effet, c’est le 16 ème pays africain où nous posons nos roues, nous avons voyagé dans des endroits bien moins choyés par la nature, où la population est encore bien plus démunie qu’ici et personne ne nous tendait les mains pour tout et rien, répétant à tue-tête sa liste de souhaits.

Quoi qu’il en soit, nous nous estimons heureux. Oui, nous sommes embêtés par des gosses nous harcelant pour de l’argent ou des stylos, parfois sous le regard des adultes qui ne disent rien, mais jusque-là, nous avons eu plus de chance que d’autres cyclo voyageurs nous ayant précédé, puisque nous n’avons reçu aucun caillou, aucune tomate, aucun poulet, pas un seul enfant ne nous a mis son bâton dans les rayons pour nous faire tomber, aucun n’a donné de coups de fouets sur nos sacoches pour nous impressionner. Nous n’avons pas reçu d’insultes, ni provocations avec aiguisage de couteaux ou serpettes sur la route. Rien de tout cela, nous avons eu de la chance. Mais c’est vrai que les enfants sont vraiment chiants avec leurs « give me », « give me moni », « give me pen », « give you pen » (ah là, je suis d’accord…je me donne un stylo à moi-même…). On a beau le prendre à la rigolade, mes nerfs sont parfois à vif et quand quelqu’un me fait « You you you », je lui réponds maintenant « You you you ».

S’il me demande de l’argent, je m’arrête et l’imite avec un air de chien battu (ou arrogant, selon qui est en face) pour qu’il me donne de l’argent, quand il me dit « Farenje » (blanc et riche..), je lui réponds « Abacha » ou « tukur » (noir). En faisant ça j’essaye de leur montrer le ridicule de la situation, effet de miroir… Au final, c’est ce qui fonctionne le mieux. Oh, on a essayé d’autres choses : leur gueuler dessus, mais ça les excite encore plus….Leur faire la morale : vous avez déjà parlé philosophie à un poisson rouge ? Encore, un enfant seul, on s’en débarrasse facilement, ce qui est à redouter, ce sont les groupes….Ils arrivent de partout et vous suivent en vous sollicitant. Dans la montée, cela devient un vrai exercice de concentration.

Alors, touristes en Ethiopie, pitié, soyez responsables et arrêtez de distribuer à tous vents des stylos, de l’argent ou de la pacotille. Même si cela paraît difficile et injuste lorsqu'on est entouré d'une foule de gosses quémandeurs. Il y a tant d'autres manières d'aider directement ou indirectement les pauvres d’Éthiopie : donner un repas à quelqu’un qui a faim, aider quelqu’un à se soigner, donner par l’intermédiaire d’une association, apporter stylos, cahiers au directeur d’une école rurale, etc.. 

Ceci mis à part, l’Ethiopie est un pays magnifique, et si on trouve les éthiopiens souvent arnaqueurs, la plupart sont quand même plutôt sympa. Une fois éloignés les gosses, on arrive à avoir de vrais contacts avec les adultes, surtout avec les jeunes enseignants. Ils sont toujours là pour nous aider, nous conduire là où l’injera est la meilleure…, le café le meilleur…. Voilà, un voyage est toujours fait de rencontres, la plupart du temps agréables, mais parfois moins, c'est le fondement même du voyage, il faut l’accepter. Et c’est clair qu’en vélo, on est au cœur de la population, et donc plus exposés ! Cependant, à refaire, nous ferions pareil, nous vivons l’Ethiopie, nous ne courrons pas de site en site, de visite en visite, cela nous va très bien !

you, you you...give me pen.....moni moni moni.....farenge !

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you, you you...give me pen.....moni moni moni.....farenge !

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